Madeleine Delbrêl
Le langage de la bonté
" Près d'un incroyant, la charité devient évangélisation, mais cette évangélisation ne peut être que fraternelle. Nous ne venons pas offrir de partager généreusement ce qui serait à nous, c'est-à-dire Dieu. Nous ne venons pas comme des justes parmi des pécheurs, comme des gens qui ont conquis des diplômes parmi des gens incultes; nous venons parler d'un Père commun, connu des uns, ignoré des autres; comme des pardonnés, non comme des innocents; comme des gens qui ont eu la chance d'être appelés à croire, à recevoir la foi, mais de la recevoir comme un bien qui n'est pas à nous, qui est déposé en nous pour le monde: de cela découle toute une façon d'être.
SEUL EST FRATERNEL UN COEUR CONVERTI
L'Evangile n'est annoncé vraiment que si l'évangélisation reproduit entre le chrétien et les autres le coeur à coeur du chrétien avec le Christ de l'Evangile. Mais rien au monde ne nous donnera la bonté du Christ sinon le Christ lui-même.Rien au monde ne nous donnera l'accès au coeur de notre prochain sinon le fait d'avoir donné au Christ l'accès au nôtre."
Nous autres, gens des rues
Il y a des gens que Dieu prend et met à part.
Il y en a d'autres qu'il laisse dans la masse, qu'il ne retire pas du monde.
Ce sont des gens qui font un travail ordinaire, qui ont un foyer ordinaire ou sont des célibataires ordinaires.
Des gens qui ont des maladies ordinaires, des deuils ordinaires.
Des gens qui ont une maison ordinaire, des vêtements ordinaires.
Ce sont des gens de la vie ordinaire.
Les gens que l'on rencontre dans n'importe quelle rue.
Ils aiment la porte qui s'ouvre sur la rue, comme leurs frères invisibles au monde aiment la porte qui s'est refermée sur eux.
Nous autres, gens de la rue, croyons de toutes nos forces que cette rue, que ce monde où Dieu nous a mis, est pour nous le lieu de notre sainteté.
Nous croyons que rien de nécessaire ne nous y manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l'aurait déjà donné.